[L'écriture est étonnamment élégante et appliquée, presque trop proprette pour les habitudes du bonhomme. En revanche, la missive arrive un peu froissée]
[Je juge bon de préciser que ces mots ne sont pas fiables et que le farfadet est menteur. L'interprétation que vous ferez de cet avertissement est à votre discrétion.]
Je te fais dépêcher ce billet depuis l'hôpital de L*****. Ne t'effraie pas à la vue de ce lieu. Ma vie n'est pas [Si on y prête attention, le a semble un peu grossier, un peu trop grand, comme formé par un l et u joints ensemble] en danger et je suis fort bien entouré. Inutile de te précipiter, je n'irais nulle part aujourd'hui. Mais je suis presque sûr que tu ne suivras pas ce conseil, pourtant dicté par ma plus vive amitié.
Tu seras donc instruit de mon aventure, en espérant diminuer tes inquiétudes durant ton trajet en voiture. J'ai fait hier une mauvaise rencontre aux Sonnettes, où j'avais été convié par la maîtresse de maison. On m'a attaqué dans le dos, à la gorge. Ne t'en fais pas, cela ne se reproduira pas. Je suis en sécurité et sous bonne garde. On prend bien soin de moi et les médecins ont fait un travail remarquable. Les sciences ont plus de bons que tu ne le crois. J'ai perdu beaucoup de sang. Mais avec leurs bidules, ils ont fait des merveilles ! Je suis encore un peu affaiblit, mais ce n'est qu'à cause de mon grand âge. Tu sais que je ne reste pas longtemps en place, ce n'est qu'une question de jours avant qu'on ne me laisse sortir. Tout de même, je suis bien heureux que cela m'arrive maintenant. On ne soigne plus comme durant ma jeunesse.
Enfin, ce n'est que trois fois rien. On va me surveiller quelques temps par précaution tout au plus. Le maraud était un enragé malhabile, propre à faire couler un peu de sang tout au plus. Ma blessure n'est pas trop profonde, même si elle laissera une cicatrice.
Je voudrais te parler de l'incident, mais je n'en sais presque rien. Les évènements m'ont été rapportés brièvement et mes souvenirs sont très confus. Cependant je suis sûr que ce n'est en rien lié à nos petites affaires. Il me semble plutôt qu'il s'agit de ce t u e u r... Mais rien n'est moins sûr. Après tout, je n'ai pas pu voir son visage. Si c'est bien lui, il est aussi mauvais que tu l'avais laissé entendre ! Crois-moi bien, ce n'est pas lui qui nous aura.
On débarrassera la ville de ce rat.
Tu seras peut-être heureux d'apprendre que je m'apprête à rédiger un billet à Minnseàg Ruididh. Je crains que tu n'oublies ou ne prennes pas le temps de les prévenir de là où tu es.
[Ce dernier paragraphe a une écriture plus tremblante, nerveuse, moins soignée]
En attendant, prends bien soin de toi. Ne passe pas par S**** en venant et ne prends pas de raccourcis par les ruelles. Méfie toi aussi des foules.
De Alasdair, le 6 janvier 1762